PRÉFACE
Le privilège m'est accordé, comme à une soeur aînée, d'écrire quelques mots d'introduction à ce petit livre, premier ouvrage d'un frère plus jeune,... jeune en vérité par son corps mais non par son âme.
Les enseignements qui s'y trouvent lui furent donnés par son Maître, lorsqu'il le préparait pour l'Initiation, et furent écrits ensuite de mémoire, lentement et péniblement, car son anglais était beaucoup moins courant l'an dernier qu'il ne l'est à présent (en 1911).
La plus grande partie de cet ouvrage est une reproduction des propres paroles du Maître ; ce qui n'est pas reproduction verbale est encore la pensée du Maître revêtue des paroles de l'élève. Deux phrases omises ont été rétablies par le Maître. Dans deux autres cas un mot oublié a été ajouté. A part cela, cette oeuvre est entièrement d'Alcyone, sa première offrande au monde.
Puisse-t-elle aider les autres, comme l'aida lui-même l'enseignement oral. C'est avec cet espoir qu'il nous le donne. Mais cet enseignement ne peut être fructueux que s'il est vécu, comme lui-même l'a vécu depuis qu'il l'a reçu de la bouche du Maître. Si l'exemple est suivi aussi bien que les préceptes, alors, pour le lecteur, comme il en a été pour l'auteur, le portail de l'Initiation s'ouvrira tout grand et il fera ses premiers pas sur le Sentier.
Annie BESANT.
AVANT-PROPOS
Ces paroles ne sont pas de moi : ce sont celles du Maître qui m'instruisit. Sans Lui je n'aurais rien pu faire, mais avec Son aide je suis entré dans le Sentier. Toi aussi, tu désires entrer dans ce même Sentier, et les paroles qu'il m'adressa te seront également utiles, si tu leur obéis. Ce n'est pas assez de dire qu'elles sont vraies et belles : l'homme qui veut réussir doit faire exactement ce qui est prescrit. Il ne suffit pas à un affamé de regarder un aliment et de dire qu'i! est bon ; il lui faut étendre Sa main, prendre et manger. De même aussi il n'est pas suffisant d'écouter les paroles du Maître : il faut faire ce qu'il dit, attentif au moindre mot, au moindre signe. Si un signe n'est pas observé, si un mot passe inaperçu, ils sont perdus pour toujours, car le Maître ne parle pas deux fois.
Il y a quatre qualités requises pour entrer dans le Sentier :
Le discernement ;
Le détachement ;
La bonne conduite ;
L'amour.
Je vais essayer de te dire ce que le Maître m'a enseigné sur chacune de ces qualités.
A CEUX QUI FRAPPENT
Chapitre I
La première de ces qualités est le
discernement : par là, on entend, en général,
ce discernement entre le réel et l'irréel qui
conduit l'homme vers le Sentier. C'est bien
cela, mais c'est beaucoup plus encore, et il
faut le pratiquer, non seulement au début du
Sentier, mais à chaque pas que l'on y fait,
chaque jour et jusqu'au bout. Tu entres dans le
Sentier parce que tu as appris que là
seulement peuvent être trouvées les choses
qui sont dignes d'être acquises. Les hommes
qui n'ont pas la connaissance travaillent pour
gagner la richesse et le pouvoir ; mais ces
biens ont, tout au plus, la durée d'une seule
existence, et par là ils sont illusoires. Il y a de
plus grandes choses à gagner que celles-là —
des choses qui sont réelles et durables —
quand une fois on les a vues on ne désire plus
les autres.
Dans le monde entier il n'y a que deux sortes
de gens : ceux qui ont la connaissance et ceux
qui ne l'ont pas, et cette connaissance seule
importe.
La religion d'un homme, Sa race à laquelle il
appartient, ce sont là des choses sans
importance ; ce qui importe réellement c'est
cette connaissance, la connaissance du plan
de Dieu relatif aux hommes. Car Dieu a un
plan, et ce plan c'est l'évolution. Sitôt que
l'homme a compris ce plan, et qu'il le connaît
vraiment, il ne peut plus que collaborer à sa
réalisation, et s'identifier avec lui, telle est sa
gloire et sa beauté. Ainsi, parce qu'il a la
connaissance, il est du côté de Dieu,
fermement voué au bien et résistant au mal,
travaillant pour l'évolution et non pour son
propre intérêt.
Si cet homme est du côté de Dieu il est des
nôtres et il importe peu qu'il se dise hindou,
bouddhiste, chrétien ou mahométan, ou qu'il
soit Indien, Anglais, Chinois ou Russe. Ceux
qui sont avec Dieu savent pourquoi ils s'y
trouvent, ils savent ce qu'ils ont à faire, et ils
essayent de l'accomplir. Tous les autres
ignorent encore ce qu'ils devraient faire ; aussi
agissent-ils souvent en insensés et cherchentils,
pour eux-mêmes, des voies qu'ils croient
devoir leur être agréables, ne comprenant pas
que tous sont Un et que, par conséquent, seul
ce que désire l'Unique, peut vraiment être
agréable à tous. Ils poursuivent l'illusoire au
lieu du réel et, tant qu'ils n'ont pas appris à
distinguer ces deux choses, ils ne sont pas du
côté de Dieu. Et c'est ainsi que le
discernement est le premier pas à faire.
Cependant, même quand le choix est fait, il
faut te souvenir qu'il y a bien des variétés dans
le réel et dans l'illusoire et qu'il faut encore
savoir distinguer le bien du mal, ce qui est
important de ce qui ne l'est pas, ce qui est utile
de ce qui est inutile, ce qui est vrai de ce qui
est faux, ce qui est égoïste de ce qui est
désintéressé.
Il ne devrait pas être difficile de choisir entre le
bien et le mal, car ceux qui veulent suivre le
Maître sont déjà décidés à se rallier au bien, à
tout prix. Mais l'homme et son corps sont deux,
et la volonté de l'homme n'est pas toujours
d'accord avec les désirs du corps. Lorsque ton
corps désire quelque chose, arrête-toi et
réfléchis ; est-ce réellement toi qui as ce désir
? Car tu es Dieu et tu ne veux que
ce que Dieu
veut ; mais il faut que tu descendes au plus
profond de toi-même pour trouver Dieu en toi
et que tu écoutes Sa voix qui est ta voix. Ne
commets pas l'erreur de prendre tes corps
pour toi-même..., ni ton corps physique, ni ton
corps astral, ni ton corps mental. Chacun d'eux
prétend être le moi afin d'obtenir ce qu'il désire
; mais il faut que tu les connaisses tous et que
tu te reconnaisses leur maître.
Quand un travail doit être fait, le corps
physique a envie de se reposer, de se
promener, de manger et de boire, et l'homme
qui n'a pas la connaissance se dit : « J'ai envie
de ces choses et il faut que je les fasse». Mais
l'homme qui sait dit : « Ce n'est pas moi qui
désire, c'est mon corps, et il faut qu'il attende».
Souvent lorsqu'il se présente une occasion
d'aider quelqu'un, le corps dit : « Que d'ennuis
cela va me donner ! qu'un autre le fasse à ma
place». Mais l'homme répond à son corps : «
Tu ne m'empêcheras pas de faire une bonne
action ».
Ton corps est ton animal, le cheval que tu
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A CEUX QUI FRAPPENT
Chapitre I
La première de ces qualités est le
discernement : par là, on entend, en général,
ce discernement entre le réel et l'irréel qui
conduit l'homme vers le Sentier. C'est bien
cela, mais c'est beaucoup plus encore, et il
faut le pratiquer, non seulement au début du
Sentier, mais à chaque pas que l'on y fait,
chaque jour et jusqu'au bout. Tu entres dans le
Sentier parce que tu as appris que là
seulement peuvent être trouvées les choses
qui sont dignes d'être acquises. Les hommes
qui n'ont pas la connaissance travaillent pour
gagner la richesse et le pouvoir ; mais ces
biens ont, tout au plus, la durée d'une seule
existence, et par là ils sont illusoires. Il y a de
plus grandes choses à gagner que celles-là —
des choses qui sont réelles et durables —
quand une fois on les a vues on ne désire plus
les autres.
Dans le monde entier il n'y a que deux sortes
de gens : ceux qui ont la connaissance et ceux
qui ne l'ont pas, et cette connaissance seule
importe.
La religion d'un homme, Sa race à laquelle il
appartient, ce sont là des choses sans
importance ; ce qui importe réellement c'est
cette connaissance, la connaissance du plan
de Dieu relatif aux hommes. Car Dieu a un
plan, et ce plan c'est l'évolution. Sitôt que
l'homme a compris ce plan, et qu'il le connaît
vraiment, il ne peut plus que collaborer à sa
réalisation, et s'identifier avec lui, telle est sa
gloire et sa beauté. Ainsi, parce qu'il a la
connaissance, il est du côté de Dieu,
fermement voué au bien et résistant au mal,
travaillant pour l'évolution et non pour son
propre intérêt.
Si cet homme est du côté de Dieu il est des
nôtres et il importe peu qu'il se dise hindou,
bouddhiste, chrétien ou mahométan, ou qu'il
soit Indien, Anglais, Chinois ou Russe. Ceux
qui sont avec Dieu savent pourquoi ils s'y
trouvent, ils savent ce qu'ils ont à faire, et ils
essayent de l'accomplir. Tous les autres
ignorent encore ce qu'ils devraient faire ; aussi
agissent-ils souvent en insensés et cherchentils,
pour eux-mêmes, des voies qu'ils croient
devoir leur être agréables, ne comprenant pas
que tous sont Un et que, par conséquent, seul
ce que désire l'Unique, peut vraiment être
agréable à tous. Ils poursuivent l'illusoire au
lieu du réel et, tant qu'ils n'ont pas appris à
distinguer ces deux choses, ils ne sont pas du
côté de Dieu. Et c'est ainsi que le
discernement est le premier pas à faire.
Cependant, même quand le choix est fait, il
faut te souvenir qu'il y a bien des variétés dans
le réel et dans l'illusoire et qu'il faut encore
savoir distinguer le bien du mal, ce qui est
important de ce qui ne l'est pas, ce qui est utile
de ce qui est inutile, ce qui est vrai de ce qui
est faux, ce qui est égoïste de ce qui est
désintéressé.
Il ne devrait pas être difficile de choisir entre le
bien et le mal, car ceux qui veulent suivre le
Maître sont déjà décidés à se rallier au bien, à
tout prix. Mais l'homme et son corps sont deux,
et la volonté de l'homme n'est pas toujours
d'accord avec les désirs du corps. Lorsque ton
corps désire quelque chose, arrête-toi et
réfléchis ; est-ce réellement toi qui as ce désir
? Car tu es Dieu et tu ne veux que ce que Dieu
veut ; mais il faut que tu descendes au plus
profond de toi-même pour trouver Dieu en toi
et que tu écoutes Sa voix qui est ta voix. Ne
commets pas l'erreur de prendre tes corps
pour toi-même..., ni ton corps physique, ni ton
corps astral, ni ton corps mental. Chacun d'eux
prétend être le moi afin d'obtenir ce qu'il désire
; mais il faut que tu les connaisses tous et que
tu te reconnaisses leur maître.
Quand un travail doit être fait, le corps
physique a envie de se reposer, de se
promener, de manger et de boire, et l'homme
qui n'a pas la connaissance se dit : « J'ai envie
de ces choses et il faut que je les fasse». Mais
l'homme qui sait dit : « Ce n'est pas moi qui
désire, c'est mon corps, et il faut qu'il attende».
Souvent lorsqu'il se présente une occasion
d'aider quelqu'un, le corps dit : « Que d'ennuis
cela va me donner ! qu'un autre le fasse à ma
place». Mais l'homme répond à son corps : «
Tu ne m'empêcheras pas de faire une bonne
action ».
Ton corps est ton animal, le cheval que tu
5
montes. C'est pourquoi il faut le bien traiter et
en prendre grand soin ; il ne faut pas le
surmener ; il faut l'entretenir comme il convient,
de boissons et d'aliments purs et veiller à ce
qu'il soit toujours d'une propreté scrupuleuse,
sans tolérer la moindre souillure. Car sans un
corps parfaitement pur et sain tu ne pourras
entreprendre l'oeuvre ardue de la préparation,
tu ne pourras supporter les efforts répétés
qu'elle nécessite. Ainsi il faut que ton corps soit
toujours à tes ordres et non pas toi sous sa
dépendance.
Ton corps astral a ses désirs ; — il en a par
douzaines. Il voudrait te voir en colère,
t'entendre dire des paroles dures, te savoir
jaloux, cupide, enviant les biens d'autrui, te voir
céder au découragement. li voudrait tout cela
et bien plus encore..., non parce qu'il désire te
nuire, mais parce qu'il aime les vibrations
violentes et leur changement continuel. Mais
toi tu ne désires aucune de ces choses ; par
conséquent tu dois distinguer tes désirs et
ceux de ton corps astral.
Ton corps mental se complaît dans une
orgueilleuse séparativité, il se fait une haute
idée de lui-même, et une opinion médiocre des
autres. Même quand tu as réussi à le
détourner des choses de ce monde, il essaie
encore de tout rapporter au « moi », de fixer
tes pensées sur ton progrès personnel, au lieu
de les diriger vers l'oeuvre du Maître et l'aide à
donner aux autres. Lorsque tu médites, il
essaie de te faire penser aux différentes
choses dont lui a besoin, aux dépens de la
seule chose dont toi tu as besoin. Tu n'es pas
ce mental, mais il est tien afin que tu t'en
serves ; donc ici encore le discernement est
nécessaire ; il te faut veiller sans cesse, sinon
tu échoueras.
Entre le bien et le mal, l'Occultisme n'admet
pas de compromis. Il faut, à n'importe quel
prix, faire ce qui est bien ; tu ne dois pas faire
ce qui est mal, quoi qu'en dise ou en pense
l'ignorant. Etudie profondément les lois
cachées de la nature, et, quand tu les
connaîtras, organise ta vie conformément à
ces lois, faisant toujours usage de la raison et
du bon sens.
Il faut discerner ce qui est important de ce qui
ne l'est pas. Ferme comme le roc en tout ce
qui concerne le bien et le mal, cède
constamment aux autres dans les choses de
peu d'importance. Car tu dois toujours être
aimable et bon, raisonnable et accommodant,
laissant à autrui une liberté égale à celle que tu
réclames pour toi. Cherche à découvrir ce qui
vaut la peine d'être fait et souviens-toi qu'il ne
faut pas juger les choses d'après leur valeur
apparente. Il vaut mieux faire une petite chose,
mais qui est immédiatement utile à l’oeuvre du
Maître, qu'une grande chose que le monde
qualifie de bonne.
Il ne suffit pas de distinguer ce qui est utile de
ce qui ne l'est pas, mais encore ce qui est plus
utile de ce qui l'est moins. Nourrir les pauvres
est une action bonne, noble et utile ;
cependant il est plus noble et plus utile encore
de nourrir leurs âmes. Tout homme riche peut
nourrir le corps, mais celui-là seul qui a la
connaissance peut nourrir l'âme. Si tu
possèdes la connaissance, c'est ton devoir
d'aider les autres à l'acquérir.
Quelque sage que tu puisses être déjà, tu
auras beaucoup à apprendre dans le Sentier,
tu auras même tant à apprendre, qu'ici encore,
il te faudra user de discernement et choisir
avec soin ce qui vaut la peine d'être appris.
Toute connaissance est utile, et un jour tu
posséderas toute connaissance ; mais tant que
tu n'en possèdes qu'une partie, veille à ce que
ce soit la plus utile. Dieu est Sagesse aussi
bien qu'Amour, et plus tu auras de sagesse,
mieux II se manifestera par toi. Etudie donc,
mais étudie d'abord ce qui t'aidera le plus à
aider les autres. Applique-toi patiemment à tes
études, non pour que les autres te croient
sage, pas même en vue du bonheur d'être
sage, mais seulement parce que l'homme sage
peut aider avec sagesse. Pour grand que soit
ton désir d'aider, si tu es ignorant tu feras
probablement plus de mal que de bien.
Il faut savoir distinguer le vrai du faux ; il faut
apprendre à être absolument vrai en pensée,
en paroles, en action. Premièrement en
pensée : et cela n'est pas facile, car il y a dans
le monde bien des pensées erronées, bien des
superstitions absurdes, et quiconque se laisse
dominer par elles ne peut faire de progrès.
C'est pourquoi il ne faut pas tenir une idée
pour juste seulement parce que beaucoup de
gens la tiennent pour telle, ni parce qu'elle a
été jugée ainsi depuis des siècles, ni parce
qu'elle se trouve écrite dans un des livres que
les hommes considèrent comme sacrés ; il faut
faire appel à ton propre jugement, et voir par
toi-même, si l'idée est raisonnable. Rappelletoi
qu'alors même qu'un millier d'hommes
seraient d'accord sur une question, s'ils n'y
connaissent rien leur opinion est sans valeur.
Celui qui veut marcher dans le Sentier doit
apprendre à penser par lui-même, car la
6
superstition est un des plus grands fléaux du
monde, l'une des entraves dont il faut
entièrement se libérer.
Ce que tu penses d'autrui doit être vrai. Tu ne
dois pas penser des autres ce que tu ne sais
pas être vrai.
Ne t'imagine pas que l'on pense toujours à toi.
Si un homme fait quelque chose que tu crois
devoir te nuire, ou dit quelque chose qui paraît
te concerner, ne songe pas immédiatement :
«II a l'intention de m'offenser». Très probablement,
cet homme ne pense nullement à
toi, car chaque âme a ses propres soucis et
n'est préoccupée, la plupart du temps, que
d'elle-même. Si quelqu'un te parle d'un ton
irrité, ne te dis pas : « Cet homme me déteste
et veut me blesser».
Selon toute probabilité, quelqu'un ou quelque
chose l'a irrité, et parce que c'est toi qu'il
rencontre, c'est sur toi que se déverse sa
colère. Il agit en insensé, car toute colère est
insensée, mais il ne faut pas, à cause de cela,
penser de lui ce qui n'est pas vrai.
Quand tu seras un élève du Maître, tu pourras
voir si ta pensée est vraie en la comparant à la
Sienne. Car l'élève ne fait qu'un avec son
Maître et il lui suffit de ramener sa pensée vers
celle du Maître pour voir si elles sont d'accord.
S'il n'en est pas ainsi. la pensée de l'élève est
erronée et il la modifie immédiatement, car la
pensée du Maître est parfaite, puisqu'il sait
tout. Ceux qui ne sont pas encore acceptés
par Lui ne peuvent agir tout à fait comme cela,
mais ils seront grandement aidés en se
demandant souvent : Que penserait le Maître
de ceci ? Que dirait ou ferait le Maître en telles
circonstances ? Car il ne faut jamais faire, dire
ou penser ce qu'à ton sens le Maître ne peut
faire, dire ou penser.
Il faut aussi être véridique dans tes paroles,
précis et sans exagération. Ne prête jamais
d'intentions à un autre ; son Maître seul
connaît ses pensées, et il se peut qu'il agisse
ainsi pour des raisons qui te sont
complètement étrangères. Quand tu entends
un récit faisant tort à quelqu'un, ne le répète
pas ; ce récit est peut-être inexact ; et alors
même qu'il serait vrai, il est plus charitable de
n'en pas parier. Réfléchis bien avant de parler,
de peur de manquer d'exactitude.
Sois franc dans l'action ; ne cherche jamais à
paraître ce que tu n'es pas ; car toute feinte
met obstacle à la pure lumière de vérité qui
doit traverser ton âme, comme le rayon de
soleil traverse une vitre transparente.
Il faut discerner ce qui est égoïste de ce qui ne
l'est pas. Car l'égoïsme a bien des formes, et
quand tu crois l'avoir enfin étouffé sous une de
ses formes, il se réveille sous une autre, aussi
fort que jamais. Mais peu à peu la pensée de
venir en aide aux autres t'occupera à tel point
qu'il n'y aura plus dans ton esprit ni la place, ni
le temps de penser à toi-même.
Il faut encore user de discernement d'une autre
manière. Apprends à discerner le Dieu qui est
dans tous les êtres et dans toutes les choses,
quelque mauvais qu'ils soient ou paraissent
être. Tu peux toujours aider ton frère parce
que tu as de commun avec lui, c'est-à-dire la
Vie divine. Apprends la manière d'éveiller cette
Vie en lui ; apprends comment faire appel à
cette Vie en lui : c'est ainsi que tu le
préserveras du mal.
7
Chapitre II
Ils sont nombreux ceux pour qui le
détachement est une vertu difficile à acquérir,
car ils croient que leurs désirs constituent leur
être même, — que si leurs désirs particuliers,
leurs sympathies et leurs antipathies sont
supprimés, il ne reste plus rien d'eux-mêmes.
Mais ceux-là n'ont pas encore vu le Maître, car
à la clarté de sa sainte Présence, tout désir
s'évanouit, hors le désir de Lui être semblable.
Cependant, avant d'avoir le bonheur de Le voir
face à face, tu pourras, si tu le veux, arriver au
détachement. Le discernement a déjà montré
que les choses convoitées par la plupart des
hommes, telle que la richesse et le pouvoir, ne
valent pas la peine d'être possédées ; or,
quand ceci est réellement compris et non pas
seulement exprimé, tout désir relatif pour ces
choses disparaît.
Jusque-là tout est simple, il suffit de l'avoir
compris. Mais quelques-uns renoncent à
poursuivre un but terrestre pour gagner le ciel
ou pour se libérer personnellement des renaissances
; il ne faut pas tomber dans cette faute.
Si tu as pleinement réalisé l'oubli de toi-même,
tu ne peux songer à te demander quand ton «
moi » sera libéré, ni quelle sorte de ciel sera le
sien. Souviens-toi que tout désir égoïste — si
élevé qu'en soit l'objet — est un lien, et
qu'aussi longtemps que tu n'auras pas éliminé
tout désir, tu ne seras pas entièrement libre de
te consacrer à l'oeuvre du Maître.
Quand tous les désirs se rapportant à ta
personnalité seront morts, il pourra rester
encore celui de voir le résultat de ton travail. Si
tu aides quelqu'un, tu voudras voir jusqu'à quel
point tu l'as aidé ; peut-être même voudras-tu
qu'il le voie, lui aussi, et qu'il t'en soit
reconnaissant, Mais ceci encore est un désir...
et en même temps un manque de confiance.
Lorsque tu dépenses ta force pour venir en
aide, un résultat s'ensuit nécessairement, que
tu puisses le voir ou non ; tu connais la loi, tu
sais qu'il doit en être ainsi. Donc il faut faire le
bien pour l'amour du bien et non pas avec
l'espoir de la récompense ; il faut travailler pour
l'amour du travail et non pas dans l'espoir d'en
voir les résultats ; il faut te donner au service
du monde parce que tu l'aimes et que tu ne
peux pas agir autrement.
Ne désire pas les pouvoirs psychiques ; tu les
auras quand le Maître jugera le moment venu.
Leur développement forcé entraîne souvent
des ennuis de toutes sortes ; le possesseur de
ces pouvoirs est fréquemment égaré par de
trompeurs esprits de la nature ; ou bien il
devient vaniteux et se croit infaillible ; de toute
manière, le temps et la force qu'il dépense à
les acquérir auraient pu être employés à
travailler pour autrui. Ces pouvoirs lui viendront
au cours du développement, — il faut qu'ils lui
viennent. Et si le Maître voit qu'il te serait utile
de les avoir plus tôt. II te dira comment les
développer en toute sécurité. Jusque-là il vaut
mieux que tu ne les possèdes pas.
Garde-toi aussi de quelques petites envies si
fréquentes dans la vie journalière. N'aie jamais
le désir de briller ou de paraître instruit ; n'aie
pas le désir de parler. Il est bon de parler peu,
mieux encore de ne rien dire, à moins d'être
certain que ce que l'on veut dire est vrai,
aimable et utile. Avant de parler, demande-toi
bien si ce que tu veux dire répond à ces trois
qualités ; sinon tais-toi.
Il est bon de prendre l'habitude, dès à présent,
de réfléchir avec soin avant de parler : car,
lorsque tu auras atteint l'Initiation, il te faudra
surveiller chacune de tes paroles, de peur
d'être indiscret. N'use pas trop de la conversation
banale ; elle est oiseuse et frivole ;
quand elle tombe dans la médisance, elle
devient méchante. Donc habitue-toi à écouter
plutôt qu'à parler ; ne donne pas ton opinion si
on ne te la demande pas expressément. Un
énoncé des qualités requises les présente
ainsi : savoir, oser, vouloir, se taire ; et la
dernière de ces qualités est la plus difficile.
Un autre désir courant qu'il faut sévèrement
réprimer est celui de se mêler des affaires
d'autrui. Ce qu'un autre peut faire, dire ou
croire, ne te regarde pas, et il faut apprendre à
le laisser agir entièrement à sa guise. Il a plein
droit à la liberté de penser, de parole ou
d'action, aussi longtemps qu'il n'intervient pas
dans les affaires d'autrui ; toi-même, tu
réclames la liberté de faire ce que tu crois bon
; il faut que tu lui accordes la même liberté, et
s'il en use, tu n'as aucun droit de le critiquer.
Si tu penses qu'il agit mal, et que tu trouves
l'occasion de lui dire, en particulier et très
poliment, pourquoi, tu le convaincras peut-être,
mais il y a bien des cas où même une telle
intervention serait déplacée. En aucune façon
il ne faut en bavarder avec une tierce
8
personne, car ce serait une très mauvaise
action.
Si tu vois commettre un acte de cruauté envers
un enfant ou un animal, il est de ton devoir de
t'y opposer. Si tu vois quelqu'un contrevenir
aux lois du pays, tu dois en informer les
autorités. Si tu es chargé de l'instruction d'une
personne, ton devoir pourra consister à l'avertir
doucement de ses fautes. Sauf en de tels cas,
occupe-toi de tes propres affaires et apprends
à pratiquer la vertu du silence.
9
Chapitre III
Les six points, spécialement exigés, relatifs à la conduite, sont donnés par le Maître :
I. La maîtrise de soi quant au mental ;
II. La maîtrise de soi dans l'action ;
III. La tolérance ;
IV. Le contentement ;
V. L'unité de direction vers le but (*) ;
VI. La confiance.
* One-pointedness, qui n'a pas d'équivalent littéral en français, peut aussi signifier : Fixité de l'esprit
(N.du T.).
(Je sais que quelques-uns de ces points sont souvent traduits différemment, comme aussi les noms
des qualités requises ; mais je me sers toujours des noms que le Maître a employés Lui-même quand
il les a expliqués).
1.
La qualité requise du détachement montre que
le corps astral doit être dominé : ce premier
point en exige autant pour le corps mental. Il
signifie : maîtriser le caractère de manière à ne
pouvoir ressentir ni colère ni impatience ;
maîtriser le mental lui-même de telle sorte que
la pensée soit toujours calme et sereine ; et,
par le mental, maîtriser les nerfs pour qu'ils
soient le moins irritables possible. Ce dernier
point est difficile à atteindre ; car pendant que
tu essayes de te préparer pour le Sentier, tu ne
peux empêcher ton corps de devenir plus
sensitif, en sorte que tes nerfs sont facilement
ébranlés par un son ou par un choc et qu'ils
ressentent d'une manière aiguë la plus légère
atteinte. Mais il faut faire de ton mieux.
Le mental paisible implique aussi le courage
qui permet d'affronter sans crainte les
épreuves et les difficultés du Sentier, la
fermeté qui fait supporter facilement les ennuis
de chaque jour et éviter les continuels soucis
au sujet des petites choses qui absorbent la
plus grande partie du temps de beaucoup de
gens. Le Maître enseigne que l'homme doit
considérer comme n'ayant aucune importance
ce qui lui vient de l'extérieur : tristesses, difficultés,
maladies, pertes ; il faut envisager
toutes ces choses comme n'étant rien, et ne
pas leur permettre d'affecter le calme du
mental. Elles sont le résultat d'actions
antérieures et doivent être supportées
joyeusement quand elles surviennent, car il
faut te souvenir que tout est transitoire et que
tu as le devoir de toujours rester joyeux et
serein. Ces choses appartiennent à tes vies
passées, non point à celle-ci ; tu n'y peux rien
changer. il est donc inutile de t'en préoccuper.
Songe plutôt aux actes du présent qui
préparent les événements de ta vie prochaine,
car ceux-là, tu peux les changer.
Ne te laisse jamais aller à la tristesse, ni au
découragement. Le découragement est
mauvais parce qu'il contamine les autres et
leur rend la vie plus difficile, ce que tu n'as pas
le droit de faire. Il faut donc le repousser loin
de toi chaque fois que tu le sens venir. Il faut
dominer ta pensée d'une autre façon encore :
ne lui permets pas d'être flottante. Quelque
chose que tu fasses, il faut y fixer ton esprit
pour la faire en perfection. Que ton mental ne
reste pas oisif ; aie toujours en réserve de
bonnes pensées, prêtes à s'avancer au
moment où il est inoccupé. Emploie journellement
ton énergie mentale à de bons
desseins ; sois une force orientée vers
l'évolution. Pense chaque jour à une personne
que tu sais en proie au chagrin, ou à la
souffrance, ou ayant besoin d'aide et répands
sur elle des pensées d'amour.
Garde ta pensée de l'orgueil, car l'orgueil vient
toujours de l'ignorance. L'homme qui n'a pas la
connaissance s'imagine qu'il est grand, qu'il
est l'auteur de telle grande action ; l'homme
sage sait que Dieu seul est grand et que toute
bonne oeuvre est l’oeuvre de Dieu seul.
10
2.
Quand ta pensée sera ce qu'elle doit être, tu
agiras sans difficulté. Mais souviens-toi que
pour rendre service à l'humanité la pensée doit
se traduire en acte. Point de paresse, mais
une activité constante dans le travail utile. Fais
ce qui est ton devoir propre et non celui d'un
autre, si ce n'est avec la permission de celui-ci
et dans l'intention de l'aider. Laisse tout
homme accomplir son oeuvre à sa façon ; sois
toujours prêt à venir en aide, s'il le faut, mais
ne t'ingère jamais dans les affaires d'autrui.
Pour bien des gens, la chose la plus difficile au
monde est d'apprendre à s'occuper de leurs
propres affaires, or c'est précisément là ce que
tu dois faire.
Parce que tu essaies d'entreprendre un travail
d'ordre supérieur, il ne faut pas, pour cela,
négliger tes devoirs courants, car tant que
ceux-ci ne sont pas remplis tu n'es pas libre
pour un autre service. N'assume pas de nouveaux
devoirs envers le monde, mais ceux
dont tu t'es chargé, accomplis-les parfaitement
: je veux parler des devoirs définis et
raisonnables que tu reconnais toi-même
comme tels, et non pas des devoirs
imaginaires que d'autres essaient de t'imposer.
Pour pouvoir, un jour, appartenir au Maître, il
faut faire le travail courant mieux que ne le font
les autres et non plus mal ; parce que cela
aussi doit être fait au nom du Maître.
3. La tolérance.
Aie des sentiments de parfaite tolérance pour
tous les hommes et porte un intérêt aussi
sincère aux croyances religieuses des autres
qu'aux tiennes. Car leur religion, aussi bien
que la tienne, est un Sentier qui mène au
Suprême. Et pour venir en aide à tous il faut
comprendre /ouf.
Mais pour atteindre à une parfaite tolérance il
faut d'abord t'affranchir tant de la bigoterie que
de la superstition. Il faut apprendre qu'il n'y a
pas de cérémonies indispensables ; sinon tu te
croirais meilleur, en quelque sorte, que ceux
qui ne les pratiquent pas. Il ne faut cependant
pas condamner ceux qui s'attachent encore
aux cérémonies. Qu'ils fassent ce qu'ils
veulent ; seulement qu'eux aussi te laissent
libre, toi qui sais la vérité : il ne faut pas qu'ils
cherchent à te ramener de force à ce point que
tu as
dépassé. Sois indulgent et bienveillant en
toutes choses.
Maintenant que tes yeux sont ouverts,
quelques-unes de tes anciennes croyances, de
tes anciennes cérémonies peuvent te sembler
absurdes ; peut-être le sont-elles en effet.
Néanmoins, "quoique tu ne puisses plus y
participer, respecte-les pour l'amour de ces
bonnes âmes qui y attachent encore tant
d'importance. Ces cérémonies ont leur place,
leur utilité ; elles sont comme ces doubles
traits qui t'aidaient, enfant, à écrire en lignes
droites également espacées, jusqu'au moment
où tu as appris à écrire bien mieux et plus
facilement sans leur secours. Il y eut un temps
où tu en avais besoin, mais à présent ce temps
est passé.
Un grand Instructeur écrivit un jour : « Quand
j'étais un enfant, je parlais comme un
enfant, je pensais comme un enfant, je
raisonnais comme un enfant ; mais quand
je suis devenu un homme, j'ai laissé là les
façons de l'enfant ». Toutefois celui qui a
oublié son enfance et perdu toute sympathie
pour les enfants ne pourra les instruire et les
aider. Regarde donc tous les hommes avec
bonté, douceur et tolérance, mais regarde-les
tous de même, qu'ils soient Bouddhistes ou
Hindous, Djaïnistes ou Juifs, Chrétiens ou
Mahométans.
4. Le Contentement.
II faut supporter joyeusement ton karma quel
qu'il soit, et accepter la souffrance comme un
honneur, parce qu'elle prouve que les
Seigneurs du Karma te trouvent digne d'aider.
Si dur qu'il puisse être, sois reconnaissant de
ce qu'il ne l'est pas davantage. Souviens-toi
que tu es de peu d'utilité au Maître tant que ton
mauvais karma n'est pas épuisé et que tu n'es
pas libéré. En t'offrant à Lui, tu as demandé
que ton karma soit précipité, de sorte que tu
épuises en une ou deux vies ce qui,
autrement, en aurait demandé une centaine.
Mais pour en tirer le meilleur parti, il faut le
supporter avec joie et contentement.
Un autre point encore : il faut renoncer à tout
sentiment de possession. Il se peut que Karma
t'enlève les choses auxquelles tu tiens le
11
plus..., peut-être même les personnes que tu
aimes le mieux : même alors tu dois être prêt à
te séparer avec joie de n'importe quoi et de
n'importe qui. Souvent le Maître a besoin de
transmettre sa force à d'autres par l'intermédiaire
de son serviteur ; II ne le peut faire si
le serviteur cède au découragement. Ainsi le
contentement est de règle.
5. Unité de direction vers le but.
La seule chose que tu dois avoir en vue, c'est
de faire i'oeuvre du Maître ; quelque autre
tâche qui puisse se présenter à toi, celle-là du
moins, ne doit jamais être oubliée. En réalité,
rien d'autre ne saurait se présenter, car toute
oeuvre utile et désintéressée est I'oeuvre du
Maître, et tu dois la faire pour lui.
Il faut porter toute ton attention sur chaque
partie de ton travail afin de le faire de ton
mieux. Le même Instructeur a écrit aussi : «
Quoi que vous fassiez, faites-le de bon
coeur, comme pour le Seigneur et- non pour
les hommes». Demande-toi comment tu ferais
un travail, si tu savais que le Maître allait venir
le voir : c'est avec cette pensée qu'il faut faire
tout ton travail. Les plus sages comprendront
le mieux toute la signification de ce verset. En
voici un autre semblable, mais bien plus
ancien :
« Quoi que ta main fasse, fais-le de tout ton
pouvoir ».
L'unité de direction vers le but, cela veut dire
aussi que rien ne doit jamais te détourner, ne
fût-ce que pour un instant, du Sentier où tu es
entré. Ni les tentations, ni les plaisirs du
monde, ni même les affections terrestres ne
doivent t'égarer. Car il faut que tu ne fasses
qu'un avec le Sentier ; il faut qu'il soit, à ce
point, ta propre nature, que tu y marches sans
avoir besoin d'y penser et sans qu'il te soit
possible de t'en écarter. Toi,
as décidé ainsi : te séparer du Sentier serait te
séparer de toi-même.
6.
II faut que tu aies confiance en ton Maître ; il
faut que tu aies confiance en toi-même. Si tu
as vu le Maître, tu auras en lui une confiance
absolue, au cours de bien des vies et de bien
des morts. Si tu ne l'as pas encore vu, tu dois
essayer néanmoins de t'en faire une idée et
d'avoir confiance en Lui, sans quoi même Lui
ne peut t’aider. Sans confiance parfaite, il ne
peut y avoir parfaite effusion d'amour et de
force.
Il faut avoir confiance en toi. Tu dis que tu te
connais trop bien pour cela ? Si c'est là ton
sentiment, tu ne te connais pas ; tu connais
seulement ton enveloppe extérieure qui
souvent a été souillée de boue. Mais toi — le
toi réel — tu es une étincelle de
divine, et Dieu qui est tout-puissant, habite en
toi ; et pour cette raison, il n'y a rien que tu ne
puisses faire, si tu en as la volonté. Dis-toi :
« Ce que l'homme a fait, l'homme peut le
faire. Je suis un homme, mais je suis aussi
le Dieu qui est dans l'homme ; je puis faire
telle chose et je veux la faire».
Car ta volonté doit être comme de l'acier
trempé si tu veux entrer dans le Sentier
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Chapitre IV
De toutes les Qualités requises l'Amour est
une des plus importantes, car lorsqu'il est
assez fort dans le coeur de l'homme, il le force
à acquérir toutes les autres ; et celles-ci sans
l'amour ne sauraient suffire. On l'a souvent
interprété comme un désir intense d'être libéré
du cycle des renaissances et des morts et
d'atteindre à l'union avec Dieu. Mais le traduire
ainsi c'est y faire entrer l'égoïsme et n'en
exprimer qu'une partie. C'est moins un désir
que la volonté, la résolution. Pour être efficace
cette résolution doit pénétrer ta nature entière,
jusqu'à n'y laisser place à aucun autre
sentiment. C'est à vrai dire la volonté d'être un
avec Dieu, non pour échapper à la lassitude et
à la souffrance, mais afin de pouvoir agir avec
Lui et comme Lui, à cause de ton profond
amour pour Lui. Parce que Dieu est Amour, toi
qui veux devenir un avec Lui, il faut que tu sois
plein de parfait désintéressement et d'amour.
Dans la vie quotidienne la signification de cette
qualité est double ; premièrement il faut éviter
avec soin de faire du mal à tout être vivant ; il
faut secondement épier toutes les occasions
de venir en aide.
En premier lieu, ne pas faire souffrir. Il y a trois
péchés qui font plus de mal que n'importe quoi
dans le monde : la médisance, la cruauté et la
superstition, parce que ce sont des péchés
contre l'amour. L'homme qui désire remplir son
coeur d'amour pour Dieu doit constamment se
garder de ces trois péchés.
Vois ce que fait le bavardage médisant. Il
commence par de mauvaises pensées, ce qui
est déjà un crime ; car il y a du bon en chacun
et en toute chose ; en chacun et en toute
chose il y a du mal. Nous pouvons renforcer
l'un ou l'autre en y pensant, et ainsi accélérer
ou retarder l'évolution. Nous pouvons obéir au
Logos ou lui résister. Si tu penses au mal qui
se trouve dans un autre, tu fais trois
mauvaises actions en même temps :
1° Tu peuples ton ambiance de mauvaises
pensées et non de bonnes, donc tu ajoutes à
la souffrance du monde.
2° Si le mal que tu penses d'un homme se
trouve en lui, tu entretiens ce mal et tu le
renforces, et ainsi tu rends ton frère pire au
lieu de le rendre meilleur. Mais, en général, le
mal ne se trouve pas en lui et tu l'as seulement
imaginé ; dans ce cas, ta pensée mauvaise
incline ton frère au mal, car s'il n'est pas
encore parfait, tu peux le rendre tel que tu te
l'es figuré.
3° Tu peuples ton mental de mauvaises
pensées et non de bonnes, et ainsi tu retardes
ton progrès et offres, aux yeux de ceux qui
peuvent le voir, un spectacle laid et pénible, et
non attrayant et beau.
Non content d'avoir fait tout ce mal à lui-même
et à sa victime, le médisant essaie, de toutes
ses forces, de faire participer d'autres
personnes à son crime. Il s'empresse de leur
communiquer sa méchante histoire, dans
l'espoir qu'elles y croiront ; et ensuite ils
s'unissent tous pour répandre un flot de
pensées mauvaises sur la pauvre victime. Et
cela se fait, jour après jour, non seulement par
un seul, mais par des milliers de gens.
Commences-tu à voir combien ce péché est vil
et affreux ? Il ne faut absolument pas y
succomber. Ne dis jamais de mal de personne
; refuse d'écouter le mal qu'on dit d'un autre et
fais doucement cette observation :
« Cela n'est peut-être pas vrai, et, même si
c'est vrai, il est plus charitable de n'en pas
parler».
Quant à la cruauté, elle peut être de deux
sortes : voulue ou involontaire. La cruauté
voulue consiste à faire souffrir, de propos
délibéré, un autre être vivant ; ceci est le plus
grand de tous les péchés, l’oeuvre d'un démon
plutôt que celle d'un homme. Tu diras peut-être
qu'un homme ne peut agir ainsi : mais les
hommes l'ont fait bien souvent et le font
journellement encore. Les inquisiteurs l'ont fait
; bien des gens religieux l'ont fait au nom de
leur religion ; les vivisecteurs le font ; quantité
de maîtres d'école le font habituellement. Tous
essayent d'excuser leur brutalité en disant que
c'est l'usage ; mais un crime ne cesse pas
d'être un crime parce qu'il est commis par
beaucoup de gens. Karma ne tient aucun
compte de l'usage ; et le karma créé par la
cruauté est le plus terrible de tous. Dans l'Inde
du moins, il ne peut y avoir d'excuse pour de
telles coutumes, car le devoir de ne pas faire
souffrir est bien connu de tous. Le sort réservé
au cruel frappera aussi tous ceux qui, sous
prétexte de sport, se plaisent à tuer des
créatures de Dieu.
Tu n'agiras pas ainsi, je le sais, et, par amour
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de Dieu, tu protesteras ouvertement quand
l'occasion s'en présentera. Mais il peut y avoir
de la cruauté dans la parole comme dans
l'acte, et l'homme qui prononce un mot dans
une intention blessante est également
coupable de ce crime. Cela non plus tu ne le
feras pas ; mais parfois une parole irréfléchie
fait autant de mal qu'une parole méchante. Il
faut donc te garder de .la cruauté involontaire.
Cette cruauté provient généralement d'un
manque de réflexion. Un homme cupide et
avare ne pense jamais aux souffrances qu'il
cause à d'autres en les payant trop peu, ou à
sa femme et à ses enfants, en les affamant à
demi. Un autre ne songe qu'à son propre
plaisir et, pour le satisfaire, se soucie peu des
âmes et des corps qu'il ruine. Un autre encore,
pour s'éviter quelques minutes d'ennui, ne
paye pas ses ouvriers au jour voulu, sans tenir
compte des difficultés qu'il leur suscite par là. Il
y a tant de souffrances dues précisément à
l'insouciance, à l'oubli des conséquences
qu'une action peut avoir pour les autres ! Mais
Karma n'oublie jamais, et il lui importe peu que
les hommes oublient. Si tu veux entrer dans le
Sentier, il faut que tu songes aux conséquences
de tes actes, de peur de te rendre
coupable de cruauté irréfléchie.
La superstition est un autre grand mal et elle a
causé d'effroyables cruautés. L'homme qui en
est l'esclave dédaigne ceux qui sont plus
sages, et s'efforce de les entraîner à faire
comme lui. Pense aux affreux massacres
causés par la superstition qui demande le
sacrifice d'animaux, et par celle, plus cruelle
encore, qui fait croire à l'homme qu'il a besoin
de se nourrir de chair. Pense aux souffrances
que la superstition a imposées aux classes
opprimées de notre Inde bien-aimée, et vois
combien ce mal peut créer de froide cruauté,
même parmi ceux qui connaissent leur devoir
de fraternité. Beaucoup de crimes ont été
commis au nom du Dieu d'amour, inspirés par
ce cauchemar de la superstition. Veille donc
avec soin à ce qu'il n'en reste pas la moindre
trace en toi.
Ces trois crimes, il faut les fuir, car ils arrêtent
fatalement tout progrès, étant des péchés
contre l'Amour. Il faut non seulement t'abstenir
du mal, mais aussi travailler activement au
bien. Tu dois être à tel point rempli du désir
intense de servir, que tu ne manques jamais
de venir en aide à tous ceux qui t'entourent,
non seulement aux hommes, mais encore aux
animaux et aux plantes. Il faut rendre service
dans les petites circonstances, chaque jour,
pour en prendre l'habitude, afin de ne pas
laisser échapper l'occasion de rendre service
dans une grande circonstance, quand elle se
présente. Car si tu as soif d'union avec Dieu,
ce n'est point pour toi-même, mais afin de
devenir un canal par où Son amour puisse
arriver jusqu'à tes frères.
Celui qui est sur le Sentier n'existe point pour
lui-même, mais uniquement pour les autres ; il
s'est oublié afin de pouvoir les servir. Il est une
plume dans la main de Dieu, par laquelle la
Pensée divine pourra s'épancher et trouver icibas
une expression qu'elle ne saurait obtenir
sans cet intermédiaire. Cependant il est, en
même temps, aussi, une vivante gerbe de feu,
irradiant sur le monde l'Amour divin qui remplit
son coeur.
La sagesse qui rend capable d'aider, la volonté
qui dirige la sagesse, l'amour qui inspire la
volonté, voilà les qualités que tu dois acquérir.
Volonté, Sagesse et Amour sont les trois
aspects du Logos, et vous qui voulez être
enrôlés à Son service, votre devoir est de
manifester ces aspects dans le monde.
Attendant la parole du Maître,
Guettant la lumière cachée,
Ecoutant, pour saisir ses ordres
Au milieu même de la bataille.
Attentif à son moindre signe,
Au-dessus de l'immense foule,
Entendant son léger murmure,
A travers les chants bruyants de la terre.