sábado, 12 de julio de 2008

AUX PIEDS DU MAITRE ( KRISHNAMURTI)




PRÉFACE

Le privilège m'est accordé, comme à une soeur aînée, d'écrire quelques mots d'introduction à ce petit livre, premier ouvrage d'un frère plus jeune,... jeune en vérité par son corps mais non par son âme.

Les enseignements qui s'y trouvent lui furent donnés par son Maître, lorsqu'il le préparait pour l'Initiation, et furent écrits ensuite de mémoire, lentement et péniblement, car son anglais était beaucoup moins courant l'an dernier qu'il ne l'est à présent (en 1911).

La plus grande partie de cet ouvrage est une reproduction des propres paroles du Maître ; ce qui n'est pas reproduction verbale est encore la pensée du Maître revêtue des paroles de l'élève. Deux phrases omises ont été rétablies par le Maître. Dans deux autres cas un mot oublié a été ajouté. A part cela, cette oeuvre est entièrement d'Alcyone, sa première offrande au monde.

Puisse-t-elle aider les autres, comme l'aida lui-même l'enseignement oral. C'est avec cet espoir qu'il nous le donne. Mais cet enseignement ne peut être fructueux que s'il est vécu, comme lui-même l'a vécu depuis qu'il l'a reçu de la bouche du Maître. Si l'exemple est suivi aussi bien que les préceptes, alors, pour le lecteur, comme il en a été pour l'auteur, le portail de l'Initiation s'ouvrira tout grand et il fera ses premiers pas sur le Sentier.

Annie BESANT.

AVANT-PROPOS

Ces paroles ne sont pas de moi : ce sont celles du Maître qui m'instruisit. Sans Lui je n'aurais rien pu faire, mais avec Son aide je suis entré dans le Sentier. Toi aussi, tu désires entrer dans ce même Sentier, et les paroles qu'il m'adressa te seront également utiles, si tu leur obéis. Ce n'est pas assez de dire qu'elles sont vraies et belles : l'homme qui veut réussir doit faire exactement ce qui est prescrit. Il ne suffit pas à un affamé de regarder un aliment et de dire qu'i! est bon ; il lui faut étendre Sa main, prendre et manger. De même aussi il n'est pas suffisant d'écouter les paroles du Maître : il faut faire ce qu'il dit, attentif au moindre mot, au moindre signe. Si un signe n'est pas observé, si un mot passe inaperçu, ils sont perdus pour toujours, car le Maître ne parle pas deux fois.

Il y a quatre qualités requises pour entrer dans le Sentier :

Le discernement ;

Le détachement ;

La bonne conduite ;

L'amour.

Je vais essayer de te dire ce que le Maître m'a enseigné sur chacune de ces qualités.


A CEUX QUI FRAPPENT

Chapitre I

La première de ces qualités est le

discernement : par là, on entend, en général,

ce discernement entre le réel et l'irréel qui

conduit l'homme vers le Sentier. C'est bien

cela, mais c'est beaucoup plus encore, et il

faut le pratiquer, non seulement au début du

Sentier, mais à chaque pas que l'on y fait,

chaque jour et jusqu'au bout. Tu entres dans le

Sentier parce que tu as appris que là

seulement peuvent être trouvées les choses

qui sont dignes d'être acquises. Les hommes

qui n'ont pas la connaissance travaillent pour

gagner la richesse et le pouvoir ; mais ces

biens ont, tout au plus, la durée d'une seule

existence, et par là ils sont illusoires. Il y a de

plus grandes choses à gagner que celles-là —

des choses qui sont réelles et durables —

quand une fois on les a vues on ne désire plus

les autres.

Dans le monde entier il n'y a que deux sortes

de gens : ceux qui ont la connaissance et ceux

qui ne l'ont pas, et cette connaissance seule

importe.

La religion d'un homme, Sa race à laquelle il

appartient, ce sont là des choses sans

importance ; ce qui importe réellement c'est

cette connaissance, la connaissance du plan

de Dieu relatif aux hommes. Car Dieu a un

plan, et ce plan c'est l'évolution. Sitôt que

l'homme a compris ce plan, et qu'il le connaît

vraiment, il ne peut plus que collaborer à sa

réalisation, et s'identifier avec lui, telle est sa

gloire et sa beauté. Ainsi, parce qu'il a la

connaissance, il est du côté de Dieu,

fermement voué au bien et résistant au mal,

travaillant pour l'évolution et non pour son

propre intérêt.

Si cet homme est du côté de Dieu il est des

nôtres et il importe peu qu'il se dise hindou,

bouddhiste, chrétien ou mahométan, ou qu'il

soit Indien, Anglais, Chinois ou Russe. Ceux

qui sont avec Dieu savent pourquoi ils s'y

trouvent, ils savent ce qu'ils ont à faire, et ils

essayent de l'accomplir. Tous les autres

ignorent encore ce qu'ils devraient faire ; aussi

agissent-ils souvent en insensés et cherchentils,

pour eux-mêmes, des voies qu'ils croient

devoir leur être agréables, ne comprenant pas

que tous sont Un et que, par conséquent, seul

ce que désire l'Unique, peut vraiment être

agréable à tous. Ils poursuivent l'illusoire au

lieu du réel et, tant qu'ils n'ont pas appris à

distinguer ces deux choses, ils ne sont pas du

côté de Dieu. Et c'est ainsi que le

discernement est le premier pas à faire.

Cependant, même quand le choix est fait, il

faut te souvenir qu'il y a bien des variétés dans

le réel et dans l'illusoire et qu'il faut encore

savoir distinguer le bien du mal, ce qui est

important de ce qui ne l'est pas, ce qui est utile

de ce qui est inutile, ce qui est vrai de ce qui

est faux, ce qui est égoïste de ce qui est

désintéressé.

Il ne devrait pas être difficile de choisir entre le

bien et le mal, car ceux qui veulent suivre le

Maître sont déjà décidés à se rallier au bien, à

tout prix. Mais l'homme et son corps sont deux,

et la volonté de l'homme n'est pas toujours

d'accord avec les désirs du corps. Lorsque ton

corps désire quelque chose, arrête-toi et

réfléchis ; est-ce réellement toi qui as ce désir

? Car tu es Dieu et tu ne veux que


ce que Dieu

veut ; mais il faut que tu descendes au plus

profond de toi-même pour trouver Dieu en toi

et que tu écoutes Sa voix qui est ta voix. Ne

commets pas l'erreur de prendre tes corps

pour toi-même..., ni ton corps physique, ni ton

corps astral, ni ton corps mental. Chacun d'eux

prétend être le moi afin d'obtenir ce qu'il désire

; mais il faut que tu les connaisses tous et que

tu te reconnaisses leur maître.

Quand un travail doit être fait, le corps

physique a envie de se reposer, de se

promener, de manger et de boire, et l'homme

qui n'a pas la connaissance se dit : « J'ai envie

de ces choses et il faut que je les fasse». Mais

l'homme qui sait dit : « Ce n'est pas moi qui

désire, c'est mon corps, et il faut qu'il attende».

Souvent lorsqu'il se présente une occasion

d'aider quelqu'un, le corps dit : « Que d'ennuis

cela va me donner ! qu'un autre le fasse à ma

place». Mais l'homme répond à son corps : «

Tu ne m'empêcheras pas de faire une bonne

action ».

Ton corps est ton animal, le cheval que tu

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A CEUX QUI FRAPPENT

Chapitre I

La première de ces qualités est le

discernement : par là, on entend, en général,

ce discernement entre le réel et l'irréel qui

conduit l'homme vers le Sentier. C'est bien

cela, mais c'est beaucoup plus encore, et il

faut le pratiquer, non seulement au début du

Sentier, mais à chaque pas que l'on y fait,

chaque jour et jusqu'au bout. Tu entres dans le

Sentier parce que tu as appris que là

seulement peuvent être trouvées les choses

qui sont dignes d'être acquises. Les hommes

qui n'ont pas la connaissance travaillent pour

gagner la richesse et le pouvoir ; mais ces

biens ont, tout au plus, la durée d'une seule

existence, et par là ils sont illusoires. Il y a de

plus grandes choses à gagner que celles-là —

des choses qui sont réelles et durables —

quand une fois on les a vues on ne désire plus

les autres.

Dans le monde entier il n'y a que deux sortes

de gens : ceux qui ont la connaissance et ceux

qui ne l'ont pas, et cette connaissance seule

importe.

La religion d'un homme, Sa race à laquelle il

appartient, ce sont là des choses sans

importance ; ce qui importe réellement c'est

cette connaissance, la connaissance du plan

de Dieu relatif aux hommes. Car Dieu a un

plan, et ce plan c'est l'évolution. Sitôt que

l'homme a compris ce plan, et qu'il le connaît

vraiment, il ne peut plus que collaborer à sa

réalisation, et s'identifier avec lui, telle est sa

gloire et sa beauté. Ainsi, parce qu'il a la

connaissance, il est du côté de Dieu,

fermement voué au bien et résistant au mal,

travaillant pour l'évolution et non pour son

propre intérêt.

Si cet homme est du côté de Dieu il est des

nôtres et il importe peu qu'il se dise hindou,

bouddhiste, chrétien ou mahométan, ou qu'il

soit Indien, Anglais, Chinois ou Russe. Ceux

qui sont avec Dieu savent pourquoi ils s'y

trouvent, ils savent ce qu'ils ont à faire, et ils

essayent de l'accomplir. Tous les autres

ignorent encore ce qu'ils devraient faire ; aussi

agissent-ils souvent en insensés et cherchentils,

pour eux-mêmes, des voies qu'ils croient

devoir leur être agréables, ne comprenant pas

que tous sont Un et que, par conséquent, seul

ce que désire l'Unique, peut vraiment être

agréable à tous. Ils poursuivent l'illusoire au

lieu du réel et, tant qu'ils n'ont pas appris à

distinguer ces deux choses, ils ne sont pas du

côté de Dieu. Et c'est ainsi que le

discernement est le premier pas à faire.

Cependant, même quand le choix est fait, il

faut te souvenir qu'il y a bien des variétés dans

le réel et dans l'illusoire et qu'il faut encore

savoir distinguer le bien du mal, ce qui est

important de ce qui ne l'est pas, ce qui est utile

de ce qui est inutile, ce qui est vrai de ce qui

est faux, ce qui est égoïste de ce qui est

désintéressé.

Il ne devrait pas être difficile de choisir entre le

bien et le mal, car ceux qui veulent suivre le

Maître sont déjà décidés à se rallier au bien, à

tout prix. Mais l'homme et son corps sont deux,

et la volonté de l'homme n'est pas toujours

d'accord avec les désirs du corps. Lorsque ton

corps désire quelque chose, arrête-toi et

réfléchis ; est-ce réellement toi qui as ce désir

? Car tu es Dieu et tu ne veux que ce que Dieu

veut ; mais il faut que tu descendes au plus

profond de toi-même pour trouver Dieu en toi

et que tu écoutes Sa voix qui est ta voix. Ne

commets pas l'erreur de prendre tes corps

pour toi-même..., ni ton corps physique, ni ton

corps astral, ni ton corps mental. Chacun d'eux

prétend être le moi afin d'obtenir ce qu'il désire

; mais il faut que tu les connaisses tous et que

tu te reconnaisses leur maître.

Quand un travail doit être fait, le corps

physique a envie de se reposer, de se

promener, de manger et de boire, et l'homme

qui n'a pas la connaissance se dit : « J'ai envie

de ces choses et il faut que je les fasse». Mais

l'homme qui sait dit : « Ce n'est pas moi qui

désire, c'est mon corps, et il faut qu'il attende».

Souvent lorsqu'il se présente une occasion

d'aider quelqu'un, le corps dit : « Que d'ennuis

cela va me donner ! qu'un autre le fasse à ma

place». Mais l'homme répond à son corps : «

Tu ne m'empêcheras pas de faire une bonne

action ».

Ton corps est ton animal, le cheval que tu

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montes. C'est pourquoi il faut le bien traiter et

en prendre grand soin ; il ne faut pas le

surmener ; il faut l'entretenir comme il convient,

de boissons et d'aliments purs et veiller à ce

qu'il soit toujours d'une propreté scrupuleuse,

sans tolérer la moindre souillure. Car sans un

corps parfaitement pur et sain tu ne pourras

entreprendre l'oeuvre ardue de la préparation,

tu ne pourras supporter les efforts répétés

qu'elle nécessite. Ainsi il faut que ton corps soit

toujours à tes ordres et non pas toi sous sa

dépendance.

Ton corps astral a ses désirs ; — il en a par

douzaines. Il voudrait te voir en colère,

t'entendre dire des paroles dures, te savoir

jaloux, cupide, enviant les biens d'autrui, te voir

céder au découragement. li voudrait tout cela

et bien plus encore..., non parce qu'il désire te

nuire, mais parce qu'il aime les vibrations

violentes et leur changement continuel. Mais

toi tu ne désires aucune de ces choses ; par

conséquent tu dois distinguer tes désirs et

ceux de ton corps astral.

Ton corps mental se complaît dans une

orgueilleuse séparativité, il se fait une haute

idée de lui-même, et une opinion médiocre des

autres. Même quand tu as réussi à le

détourner des choses de ce monde, il essaie

encore de tout rapporter au « moi », de fixer

tes pensées sur ton progrès personnel, au lieu

de les diriger vers l'oeuvre du Maître et l'aide à

donner aux autres. Lorsque tu médites, il

essaie de te faire penser aux différentes

choses dont lui a besoin, aux dépens de la

seule chose dont toi tu as besoin. Tu n'es pas

ce mental, mais il est tien afin que tu t'en

serves ; donc ici encore le discernement est

nécessaire ; il te faut veiller sans cesse, sinon

tu échoueras.

Entre le bien et le mal, l'Occultisme n'admet

pas de compromis. Il faut, à n'importe quel

prix, faire ce qui est bien ; tu ne dois pas faire

ce qui est mal, quoi qu'en dise ou en pense

l'ignorant. Etudie profondément les lois

cachées de la nature, et, quand tu les

connaîtras, organise ta vie conformément à

ces lois, faisant toujours usage de la raison et

du bon sens.

Il faut discerner ce qui est important de ce qui

ne l'est pas. Ferme comme le roc en tout ce

qui concerne le bien et le mal, cède

constamment aux autres dans les choses de

peu d'importance. Car tu dois toujours être

aimable et bon, raisonnable et accommodant,

laissant à autrui une liberté égale à celle que tu

réclames pour toi. Cherche à découvrir ce qui

vaut la peine d'être fait et souviens-toi qu'il ne

faut pas juger les choses d'après leur valeur

apparente. Il vaut mieux faire une petite chose,

mais qui est immédiatement utile à l’oeuvre du

Maître, qu'une grande chose que le monde

qualifie de bonne.

Il ne suffit pas de distinguer ce qui est utile de

ce qui ne l'est pas, mais encore ce qui est plus

utile de ce qui l'est moins. Nourrir les pauvres

est une action bonne, noble et utile ;

cependant il est plus noble et plus utile encore

de nourrir leurs âmes. Tout homme riche peut

nourrir le corps, mais celui-là seul qui a la

connaissance peut nourrir l'âme. Si tu

possèdes la connaissance, c'est ton devoir

d'aider les autres à l'acquérir.

Quelque sage que tu puisses être déjà, tu

auras beaucoup à apprendre dans le Sentier,

tu auras même tant à apprendre, qu'ici encore,

il te faudra user de discernement et choisir

avec soin ce qui vaut la peine d'être appris.

Toute connaissance est utile, et un jour tu

posséderas toute connaissance ; mais tant que

tu n'en possèdes qu'une partie, veille à ce que

ce soit la plus utile. Dieu est Sagesse aussi

bien qu'Amour, et plus tu auras de sagesse,

mieux II se manifestera par toi. Etudie donc,

mais étudie d'abord ce qui t'aidera le plus à

aider les autres. Applique-toi patiemment à tes

études, non pour que les autres te croient

sage, pas même en vue du bonheur d'être

sage, mais seulement parce que l'homme sage

peut aider avec sagesse. Pour grand que soit

ton désir d'aider, si tu es ignorant tu feras

probablement plus de mal que de bien.

Il faut savoir distinguer le vrai du faux ; il faut

apprendre à être absolument vrai en pensée,

en paroles, en action. Premièrement en

pensée : et cela n'est pas facile, car il y a dans

le monde bien des pensées erronées, bien des

superstitions absurdes, et quiconque se laisse

dominer par elles ne peut faire de progrès.

C'est pourquoi il ne faut pas tenir une idée

pour juste seulement parce que beaucoup de

gens la tiennent pour telle, ni parce qu'elle a

été jugée ainsi depuis des siècles, ni parce

qu'elle se trouve écrite dans un des livres que

les hommes considèrent comme sacrés ; il faut

faire appel à ton propre jugement, et voir par

toi-même, si l'idée est raisonnable. Rappelletoi

qu'alors même qu'un millier d'hommes

seraient d'accord sur une question, s'ils n'y

connaissent rien leur opinion est sans valeur.

Celui qui veut marcher dans le Sentier doit

apprendre à penser par lui-même, car la

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superstition est un des plus grands fléaux du

monde, l'une des entraves dont il faut

entièrement se libérer.

Ce que tu penses d'autrui doit être vrai. Tu ne

dois pas penser des autres ce que tu ne sais

pas être vrai.

Ne t'imagine pas que l'on pense toujours à toi.

Si un homme fait quelque chose que tu crois

devoir te nuire, ou dit quelque chose qui paraît

te concerner, ne songe pas immédiatement :

«II a l'intention de m'offenser». Très probablement,

cet homme ne pense nullement à

toi, car chaque âme a ses propres soucis et

n'est préoccupée, la plupart du temps, que

d'elle-même. Si quelqu'un te parle d'un ton

irrité, ne te dis pas : « Cet homme me déteste

et veut me blesser».

Selon toute probabilité, quelqu'un ou quelque

chose l'a irrité, et parce que c'est toi qu'il

rencontre, c'est sur toi que se déverse sa

colère. Il agit en insensé, car toute colère est

insensée, mais il ne faut pas, à cause de cela,

penser de lui ce qui n'est pas vrai.

Quand tu seras un élève du Maître, tu pourras

voir si ta pensée est vraie en la comparant à la

Sienne. Car l'élève ne fait qu'un avec son

Maître et il lui suffit de ramener sa pensée vers

celle du Maître pour voir si elles sont d'accord.

S'il n'en est pas ainsi. la pensée de l'élève est

erronée et il la modifie immédiatement, car la

pensée du Maître est parfaite, puisqu'il sait

tout. Ceux qui ne sont pas encore acceptés

par Lui ne peuvent agir tout à fait comme cela,

mais ils seront grandement aidés en se

demandant souvent : Que penserait le Maître

de ceci ? Que dirait ou ferait le Maître en telles

circonstances ? Car il ne faut jamais faire, dire

ou penser ce qu'à ton sens le Maître ne peut

faire, dire ou penser.

Il faut aussi être véridique dans tes paroles,

précis et sans exagération. Ne prête jamais

d'intentions à un autre ; son Maître seul

connaît ses pensées, et il se peut qu'il agisse

ainsi pour des raisons qui te sont

complètement étrangères. Quand tu entends

un récit faisant tort à quelqu'un, ne le répète

pas ; ce récit est peut-être inexact ; et alors

même qu'il serait vrai, il est plus charitable de

n'en pas parier. Réfléchis bien avant de parler,

de peur de manquer d'exactitude.

Sois franc dans l'action ; ne cherche jamais à

paraître ce que tu n'es pas ; car toute feinte

met obstacle à la pure lumière de vérité qui

doit traverser ton âme, comme le rayon de

soleil traverse une vitre transparente.

Il faut discerner ce qui est égoïste de ce qui ne

l'est pas. Car l'égoïsme a bien des formes, et

quand tu crois l'avoir enfin étouffé sous une de

ses formes, il se réveille sous une autre, aussi

fort que jamais. Mais peu à peu la pensée de

venir en aide aux autres t'occupera à tel point

qu'il n'y aura plus dans ton esprit ni la place, ni

le temps de penser à toi-même.

Il faut encore user de discernement d'une autre

manière. Apprends à discerner le Dieu qui est

dans tous les êtres et dans toutes les choses,

quelque mauvais qu'ils soient ou paraissent

être. Tu peux toujours aider ton frère parce

que tu as de commun avec lui, c'est-à-dire la

Vie divine. Apprends la manière d'éveiller cette

Vie en lui ; apprends comment faire appel à

cette Vie en lui : c'est ainsi que tu le

préserveras du mal.

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Chapitre II

Ils sont nombreux ceux pour qui le

détachement est une vertu difficile à acquérir,

car ils croient que leurs désirs constituent leur

être même, — que si leurs désirs particuliers,

leurs sympathies et leurs antipathies sont

supprimés, il ne reste plus rien d'eux-mêmes.

Mais ceux-là n'ont pas encore vu le Maître, car

à la clarté de sa sainte Présence, tout désir

s'évanouit, hors le désir de Lui être semblable.

Cependant, avant d'avoir le bonheur de Le voir

face à face, tu pourras, si tu le veux, arriver au

détachement. Le discernement a déjà montré

que les choses convoitées par la plupart des

hommes, telle que la richesse et le pouvoir, ne

valent pas la peine d'être possédées ; or,

quand ceci est réellement compris et non pas

seulement exprimé, tout désir relatif pour ces

choses disparaît.

Jusque-là tout est simple, il suffit de l'avoir

compris. Mais quelques-uns renoncent à

poursuivre un but terrestre pour gagner le ciel

ou pour se libérer personnellement des renaissances

; il ne faut pas tomber dans cette faute.

Si tu as pleinement réalisé l'oubli de toi-même,

tu ne peux songer à te demander quand ton «

moi » sera libéré, ni quelle sorte de ciel sera le

sien. Souviens-toi que tout désir égoïste — si

élevé qu'en soit l'objet — est un lien, et

qu'aussi longtemps que tu n'auras pas éliminé

tout désir, tu ne seras pas entièrement libre de

te consacrer à l'oeuvre du Maître.

Quand tous les désirs se rapportant à ta

personnalité seront morts, il pourra rester

encore celui de voir le résultat de ton travail. Si

tu aides quelqu'un, tu voudras voir jusqu'à quel

point tu l'as aidé ; peut-être même voudras-tu

qu'il le voie, lui aussi, et qu'il t'en soit

reconnaissant, Mais ceci encore est un désir...

et en même temps un manque de confiance.

Lorsque tu dépenses ta force pour venir en

aide, un résultat s'ensuit nécessairement, que

tu puisses le voir ou non ; tu connais la loi, tu

sais qu'il doit en être ainsi. Donc il faut faire le

bien pour l'amour du bien et non pas avec

l'espoir de la récompense ; il faut travailler pour

l'amour du travail et non pas dans l'espoir d'en

voir les résultats ; il faut te donner au service

du monde parce que tu l'aimes et que tu ne

peux pas agir autrement.

Ne désire pas les pouvoirs psychiques ; tu les

auras quand le Maître jugera le moment venu.

Leur développement forcé entraîne souvent

des ennuis de toutes sortes ; le possesseur de

ces pouvoirs est fréquemment égaré par de

trompeurs esprits de la nature ; ou bien il

devient vaniteux et se croit infaillible ; de toute

manière, le temps et la force qu'il dépense à

les acquérir auraient pu être employés à

travailler pour autrui. Ces pouvoirs lui viendront

au cours du développement, — il faut qu'ils lui

viennent. Et si le Maître voit qu'il te serait utile

de les avoir plus tôt. II te dira comment les

développer en toute sécurité. Jusque-là il vaut

mieux que tu ne les possèdes pas.

Garde-toi aussi de quelques petites envies si

fréquentes dans la vie journalière. N'aie jamais

le désir de briller ou de paraître instruit ; n'aie

pas le désir de parler. Il est bon de parler peu,

mieux encore de ne rien dire, à moins d'être

certain que ce que l'on veut dire est vrai,

aimable et utile. Avant de parler, demande-toi

bien si ce que tu veux dire répond à ces trois

qualités ; sinon tais-toi.

Il est bon de prendre l'habitude, dès à présent,

de réfléchir avec soin avant de parler : car,

lorsque tu auras atteint l'Initiation, il te faudra

surveiller chacune de tes paroles, de peur

d'être indiscret. N'use pas trop de la conversation

banale ; elle est oiseuse et frivole ;

quand elle tombe dans la médisance, elle

devient méchante. Donc habitue-toi à écouter

plutôt qu'à parler ; ne donne pas ton opinion si

on ne te la demande pas expressément. Un

énoncé des qualités requises les présente

ainsi : savoir, oser, vouloir, se taire ; et la

dernière de ces qualités est la plus difficile.

Un autre désir courant qu'il faut sévèrement

réprimer est celui de se mêler des affaires

d'autrui. Ce qu'un autre peut faire, dire ou

croire, ne te regarde pas, et il faut apprendre à

le laisser agir entièrement à sa guise. Il a plein

droit à la liberté de penser, de parole ou

d'action, aussi longtemps qu'il n'intervient pas

dans les affaires d'autrui ; toi-même, tu

réclames la liberté de faire ce que tu crois bon

; il faut que tu lui accordes la même liberté, et

s'il en use, tu n'as aucun droit de le critiquer.

Si tu penses qu'il agit mal, et que tu trouves

l'occasion de lui dire, en particulier et très

poliment, pourquoi, tu le convaincras peut-être,

mais il y a bien des cas où même une telle

intervention serait déplacée. En aucune façon

il ne faut en bavarder avec une tierce

8

personne, car ce serait une très mauvaise

action.

Si tu vois commettre un acte de cruauté envers

un enfant ou un animal, il est de ton devoir de

t'y opposer. Si tu vois quelqu'un contrevenir

aux lois du pays, tu dois en informer les

autorités. Si tu es chargé de l'instruction d'une

personne, ton devoir pourra consister à l'avertir

doucement de ses fautes. Sauf en de tels cas,

occupe-toi de tes propres affaires et apprends

à pratiquer la vertu du silence.

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Chapitre III

Les six points, spécialement exigés, relatifs à la conduite, sont donnés par le Maître :

I. La maîtrise de soi quant au mental ;

II. La maîtrise de soi dans l'action ;

III. La tolérance ;

IV. Le contentement ;

V. L'unité de direction vers le but (*) ;

VI. La confiance.

* One-pointedness, qui n'a pas d'équivalent littéral en français, peut aussi signifier : Fixité de l'esprit

(N.du T.).

(Je sais que quelques-uns de ces points sont souvent traduits différemment, comme aussi les noms

des qualités requises ; mais je me sers toujours des noms que le Maître a employés Lui-même quand

il les a expliqués).

1. La Maîtrise de soi quant au mental.

La qualité requise du détachement montre que

le corps astral doit être dominé : ce premier

point en exige autant pour le corps mental. Il

signifie : maîtriser le caractère de manière à ne

pouvoir ressentir ni colère ni impatience ;

maîtriser le mental lui-même de telle sorte que

la pensée soit toujours calme et sereine ; et,

par le mental, maîtriser les nerfs pour qu'ils

soient le moins irritables possible. Ce dernier

point est difficile à atteindre ; car pendant que

tu essayes de te préparer pour le Sentier, tu ne

peux empêcher ton corps de devenir plus

sensitif, en sorte que tes nerfs sont facilement

ébranlés par un son ou par un choc et qu'ils

ressentent d'une manière aiguë la plus légère

atteinte. Mais il faut faire de ton mieux.

Le mental paisible implique aussi le courage

qui permet d'affronter sans crainte les

épreuves et les difficultés du Sentier, la

fermeté qui fait supporter facilement les ennuis

de chaque jour et éviter les continuels soucis

au sujet des petites choses qui absorbent la

plus grande partie du temps de beaucoup de

gens. Le Maître enseigne que l'homme doit

considérer comme n'ayant aucune importance

ce qui lui vient de l'extérieur : tristesses, difficultés,

maladies, pertes ; il faut envisager

toutes ces choses comme n'étant rien, et ne

pas leur permettre d'affecter le calme du

mental. Elles sont le résultat d'actions

antérieures et doivent être supportées

joyeusement quand elles surviennent, car il

faut te souvenir que tout est transitoire et que

tu as le devoir de toujours rester joyeux et

serein. Ces choses appartiennent à tes vies

passées, non point à celle-ci ; tu n'y peux rien

changer. il est donc inutile de t'en préoccuper.

Songe plutôt aux actes du présent qui

préparent les événements de ta vie prochaine,

car ceux-là, tu peux les changer.

Ne te laisse jamais aller à la tristesse, ni au

découragement. Le découragement est

mauvais parce qu'il contamine les autres et

leur rend la vie plus difficile, ce que tu n'as pas

le droit de faire. Il faut donc le repousser loin

de toi chaque fois que tu le sens venir. Il faut

dominer ta pensée d'une autre façon encore :

ne lui permets pas d'être flottante. Quelque

chose que tu fasses, il faut y fixer ton esprit

pour la faire en perfection. Que ton mental ne

reste pas oisif ; aie toujours en réserve de

bonnes pensées, prêtes à s'avancer au

moment où il est inoccupé. Emploie journellement

ton énergie mentale à de bons

desseins ; sois une force orientée vers

l'évolution. Pense chaque jour à une personne

que tu sais en proie au chagrin, ou à la

souffrance, ou ayant besoin d'aide et répands

sur elle des pensées d'amour.

Garde ta pensée de l'orgueil, car l'orgueil vient

toujours de l'ignorance. L'homme qui n'a pas la

connaissance s'imagine qu'il est grand, qu'il

est l'auteur de telle grande action ; l'homme

sage sait que Dieu seul est grand et que toute

bonne oeuvre est l’oeuvre de Dieu seul.

10

2. La Maîtrise de soi dans l'action.

Quand ta pensée sera ce qu'elle doit être, tu

agiras sans difficulté. Mais souviens-toi que

pour rendre service à l'humanité la pensée doit

se traduire en acte. Point de paresse, mais

une activité constante dans le travail utile. Fais

ce qui est ton devoir propre et non celui d'un

autre, si ce n'est avec la permission de celui-ci

et dans l'intention de l'aider. Laisse tout

homme accomplir son oeuvre à sa façon ; sois

toujours prêt à venir en aide, s'il le faut, mais

ne t'ingère jamais dans les affaires d'autrui.

Pour bien des gens, la chose la plus difficile au

monde est d'apprendre à s'occuper de leurs

propres affaires, or c'est précisément là ce que

tu dois faire.

Parce que tu essaies d'entreprendre un travail

d'ordre supérieur, il ne faut pas, pour cela,

négliger tes devoirs courants, car tant que

ceux-ci ne sont pas remplis tu n'es pas libre

pour un autre service. N'assume pas de nouveaux

devoirs envers le monde, mais ceux

dont tu t'es chargé, accomplis-les parfaitement

: je veux parler des devoirs définis et

raisonnables que tu reconnais toi-même

comme tels, et non pas des devoirs

imaginaires que d'autres essaient de t'imposer.

Pour pouvoir, un jour, appartenir au Maître, il

faut faire le travail courant mieux que ne le font

les autres et non plus mal ; parce que cela

aussi doit être fait au nom du Maître.

3. La tolérance.

Aie des sentiments de parfaite tolérance pour

tous les hommes et porte un intérêt aussi

sincère aux croyances religieuses des autres

qu'aux tiennes. Car leur religion, aussi bien

que la tienne, est un Sentier qui mène au

Suprême. Et pour venir en aide à tous il faut

comprendre /ouf.

Mais pour atteindre à une parfaite tolérance il

faut d'abord t'affranchir tant de la bigoterie que

de la superstition. Il faut apprendre qu'il n'y a

pas de cérémonies indispensables ; sinon tu te

croirais meilleur, en quelque sorte, que ceux

qui ne les pratiquent pas. Il ne faut cependant

pas condamner ceux qui s'attachent encore

aux cérémonies. Qu'ils fassent ce qu'ils

veulent ; seulement qu'eux aussi te laissent

libre, toi qui sais la vérité : il ne faut pas qu'ils

cherchent à te ramener de force à ce point que

tu as

dépassé. Sois indulgent et bienveillant en

toutes choses.

Maintenant que tes yeux sont ouverts,

quelques-unes de tes anciennes croyances, de

tes anciennes cérémonies peuvent te sembler

absurdes ; peut-être le sont-elles en effet.

Néanmoins, "quoique tu ne puisses plus y

participer, respecte-les pour l'amour de ces

bonnes âmes qui y attachent encore tant

d'importance. Ces cérémonies ont leur place,

leur utilité ; elles sont comme ces doubles

traits qui t'aidaient, enfant, à écrire en lignes

droites également espacées, jusqu'au moment

où tu as appris à écrire bien mieux et plus

facilement sans leur secours. Il y eut un temps

où tu en avais besoin, mais à présent ce temps

est passé.

Un grand Instructeur écrivit un jour : « Quand

j'étais un enfant, je parlais comme un

enfant, je pensais comme un enfant, je

raisonnais comme un enfant ; mais quand

je suis devenu un homme, j'ai laissé là les

façons de l'enfant ». Toutefois celui qui a

oublié son enfance et perdu toute sympathie

pour les enfants ne pourra les instruire et les

aider. Regarde donc tous les hommes avec

bonté, douceur et tolérance, mais regarde-les

tous de même, qu'ils soient Bouddhistes ou

Hindous, Djaïnistes ou Juifs, Chrétiens ou

Mahométans.

4. Le Contentement.

II faut supporter joyeusement ton karma quel

qu'il soit, et accepter la souffrance comme un

honneur, parce qu'elle prouve que les

Seigneurs du Karma te trouvent digne d'aider.

Si dur qu'il puisse être, sois reconnaissant de

ce qu'il ne l'est pas davantage. Souviens-toi

que tu es de peu d'utilité au Maître tant que ton

mauvais karma n'est pas épuisé et que tu n'es

pas libéré. En t'offrant à Lui, tu as demandé

que ton karma soit précipité, de sorte que tu

épuises en une ou deux vies ce qui,

autrement, en aurait demandé une centaine.

Mais pour en tirer le meilleur parti, il faut le

supporter avec joie et contentement.

Un autre point encore : il faut renoncer à tout

sentiment de possession. Il se peut que Karma

t'enlève les choses auxquelles tu tiens le

11

plus..., peut-être même les personnes que tu

aimes le mieux : même alors tu dois être prêt à

te séparer avec joie de n'importe quoi et de

n'importe qui. Souvent le Maître a besoin de

transmettre sa force à d'autres par l'intermédiaire

de son serviteur ; II ne le peut faire si

le serviteur cède au découragement. Ainsi le

contentement est de règle.

5. Unité de direction vers le but.

La seule chose que tu dois avoir en vue, c'est

de faire i'oeuvre du Maître ; quelque autre

tâche qui puisse se présenter à toi, celle-là du

moins, ne doit jamais être oubliée. En réalité,

rien d'autre ne saurait se présenter, car toute

oeuvre utile et désintéressée est I'oeuvre du

Maître, et tu dois la faire pour lui.

Il faut porter toute ton attention sur chaque

partie de ton travail afin de le faire de ton

mieux. Le même Instructeur a écrit aussi : «

Quoi que vous fassiez, faites-le de bon

coeur, comme pour le Seigneur et- non pour

les hommes». Demande-toi comment tu ferais

un travail, si tu savais que le Maître allait venir

le voir : c'est avec cette pensée qu'il faut faire

tout ton travail. Les plus sages comprendront

le mieux toute la signification de ce verset. En

voici un autre semblable, mais bien plus

ancien :

« Quoi que ta main fasse, fais-le de tout ton

pouvoir ».

L'unité de direction vers le but, cela veut dire

aussi que rien ne doit jamais te détourner, ne

fût-ce que pour un instant, du Sentier où tu es

entré. Ni les tentations, ni les plaisirs du

monde, ni même les affections terrestres ne

doivent t'égarer. Car il faut que tu ne fasses

qu'un avec le Sentier ; il faut qu'il soit, à ce

point, ta propre nature, que tu y marches sans

avoir besoin d'y penser et sans qu'il te soit

possible de t'en écarter. Toi, la Monade, tu en

as décidé ainsi : te séparer du Sentier serait te

séparer de toi-même.

6. La Confiance.

II faut que tu aies confiance en ton Maître ; il

faut que tu aies confiance en toi-même. Si tu

as vu le Maître, tu auras en lui une confiance

absolue, au cours de bien des vies et de bien

des morts. Si tu ne l'as pas encore vu, tu dois

essayer néanmoins de t'en faire une idée et

d'avoir confiance en Lui, sans quoi même Lui

ne peut t’aider. Sans confiance parfaite, il ne

peut y avoir parfaite effusion d'amour et de

force.

Il faut avoir confiance en toi. Tu dis que tu te

connais trop bien pour cela ? Si c'est là ton

sentiment, tu ne te connais pas ; tu connais

seulement ton enveloppe extérieure qui

souvent a été souillée de boue. Mais toi — le

toi réel — tu es une étincelle de la Flamme

divine, et Dieu qui est tout-puissant, habite en

toi ; et pour cette raison, il n'y a rien que tu ne

puisses faire, si tu en as la volonté. Dis-toi :

« Ce que l'homme a fait, l'homme peut le

faire. Je suis un homme, mais je suis aussi

le Dieu qui est dans l'homme ; je puis faire

telle chose et je veux la faire».

Car ta volonté doit être comme de l'acier

trempé si tu veux entrer dans le Sentier

12

Chapitre IV

De toutes les Qualités requises l'Amour est

une des plus importantes, car lorsqu'il est

assez fort dans le coeur de l'homme, il le force

à acquérir toutes les autres ; et celles-ci sans

l'amour ne sauraient suffire. On l'a souvent

interprété comme un désir intense d'être libéré

du cycle des renaissances et des morts et

d'atteindre à l'union avec Dieu. Mais le traduire

ainsi c'est y faire entrer l'égoïsme et n'en

exprimer qu'une partie. C'est moins un désir

que la volonté, la résolution. Pour être efficace

cette résolution doit pénétrer ta nature entière,

jusqu'à n'y laisser place à aucun autre

sentiment. C'est à vrai dire la volonté d'être un

avec Dieu, non pour échapper à la lassitude et

à la souffrance, mais afin de pouvoir agir avec

Lui et comme Lui, à cause de ton profond

amour pour Lui. Parce que Dieu est Amour, toi

qui veux devenir un avec Lui, il faut que tu sois

plein de parfait désintéressement et d'amour.

Dans la vie quotidienne la signification de cette

qualité est double ; premièrement il faut éviter

avec soin de faire du mal à tout être vivant ; il

faut secondement épier toutes les occasions

de venir en aide.

En premier lieu, ne pas faire souffrir. Il y a trois

péchés qui font plus de mal que n'importe quoi

dans le monde : la médisance, la cruauté et la

superstition, parce que ce sont des péchés

contre l'amour. L'homme qui désire remplir son

coeur d'amour pour Dieu doit constamment se

garder de ces trois péchés.

Vois ce que fait le bavardage médisant. Il

commence par de mauvaises pensées, ce qui

est déjà un crime ; car il y a du bon en chacun

et en toute chose ; en chacun et en toute

chose il y a du mal. Nous pouvons renforcer

l'un ou l'autre en y pensant, et ainsi accélérer

ou retarder l'évolution. Nous pouvons obéir au

Logos ou lui résister. Si tu penses au mal qui

se trouve dans un autre, tu fais trois

mauvaises actions en même temps :

1° Tu peuples ton ambiance de mauvaises

pensées et non de bonnes, donc tu ajoutes à

la souffrance du monde.

2° Si le mal que tu penses d'un homme se

trouve en lui, tu entretiens ce mal et tu le

renforces, et ainsi tu rends ton frère pire au

lieu de le rendre meilleur. Mais, en général, le

mal ne se trouve pas en lui et tu l'as seulement

imaginé ; dans ce cas, ta pensée mauvaise

incline ton frère au mal, car s'il n'est pas

encore parfait, tu peux le rendre tel que tu te

l'es figuré.

3° Tu peuples ton mental de mauvaises

pensées et non de bonnes, et ainsi tu retardes

ton progrès et offres, aux yeux de ceux qui

peuvent le voir, un spectacle laid et pénible, et

non attrayant et beau.

Non content d'avoir fait tout ce mal à lui-même

et à sa victime, le médisant essaie, de toutes

ses forces, de faire participer d'autres

personnes à son crime. Il s'empresse de leur

communiquer sa méchante histoire, dans

l'espoir qu'elles y croiront ; et ensuite ils

s'unissent tous pour répandre un flot de

pensées mauvaises sur la pauvre victime. Et

cela se fait, jour après jour, non seulement par

un seul, mais par des milliers de gens.

Commences-tu à voir combien ce péché est vil

et affreux ? Il ne faut absolument pas y

succomber. Ne dis jamais de mal de personne

; refuse d'écouter le mal qu'on dit d'un autre et

fais doucement cette observation :

« Cela n'est peut-être pas vrai, et, même si

c'est vrai, il est plus charitable de n'en pas

parler».

Quant à la cruauté, elle peut être de deux

sortes : voulue ou involontaire. La cruauté

voulue consiste à faire souffrir, de propos

délibéré, un autre être vivant ; ceci est le plus

grand de tous les péchés, l’oeuvre d'un démon

plutôt que celle d'un homme. Tu diras peut-être

qu'un homme ne peut agir ainsi : mais les

hommes l'ont fait bien souvent et le font

journellement encore. Les inquisiteurs l'ont fait

; bien des gens religieux l'ont fait au nom de

leur religion ; les vivisecteurs le font ; quantité

de maîtres d'école le font habituellement. Tous

essayent d'excuser leur brutalité en disant que

c'est l'usage ; mais un crime ne cesse pas

d'être un crime parce qu'il est commis par

beaucoup de gens. Karma ne tient aucun

compte de l'usage ; et le karma créé par la

cruauté est le plus terrible de tous. Dans l'Inde

du moins, il ne peut y avoir d'excuse pour de

telles coutumes, car le devoir de ne pas faire

souffrir est bien connu de tous. Le sort réservé

au cruel frappera aussi tous ceux qui, sous

prétexte de sport, se plaisent à tuer des

créatures de Dieu.

Tu n'agiras pas ainsi, je le sais, et, par amour

. 13

de Dieu, tu protesteras ouvertement quand

l'occasion s'en présentera. Mais il peut y avoir

de la cruauté dans la parole comme dans

l'acte, et l'homme qui prononce un mot dans

une intention blessante est également

coupable de ce crime. Cela non plus tu ne le

feras pas ; mais parfois une parole irréfléchie

fait autant de mal qu'une parole méchante. Il

faut donc te garder de .la cruauté involontaire.

Cette cruauté provient généralement d'un

manque de réflexion. Un homme cupide et

avare ne pense jamais aux souffrances qu'il

cause à d'autres en les payant trop peu, ou à

sa femme et à ses enfants, en les affamant à

demi. Un autre ne songe qu'à son propre

plaisir et, pour le satisfaire, se soucie peu des

âmes et des corps qu'il ruine. Un autre encore,

pour s'éviter quelques minutes d'ennui, ne

paye pas ses ouvriers au jour voulu, sans tenir

compte des difficultés qu'il leur suscite par là. Il

y a tant de souffrances dues précisément à

l'insouciance, à l'oubli des conséquences

qu'une action peut avoir pour les autres ! Mais

Karma n'oublie jamais, et il lui importe peu que

les hommes oublient. Si tu veux entrer dans le

Sentier, il faut que tu songes aux conséquences

de tes actes, de peur de te rendre

coupable de cruauté irréfléchie.

La superstition est un autre grand mal et elle a

causé d'effroyables cruautés. L'homme qui en

est l'esclave dédaigne ceux qui sont plus

sages, et s'efforce de les entraîner à faire

comme lui. Pense aux affreux massacres

causés par la superstition qui demande le

sacrifice d'animaux, et par celle, plus cruelle

encore, qui fait croire à l'homme qu'il a besoin

de se nourrir de chair. Pense aux souffrances

que la superstition a imposées aux classes

opprimées de notre Inde bien-aimée, et vois

combien ce mal peut créer de froide cruauté,

même parmi ceux qui connaissent leur devoir

de fraternité. Beaucoup de crimes ont été

commis au nom du Dieu d'amour, inspirés par

ce cauchemar de la superstition. Veille donc

avec soin à ce qu'il n'en reste pas la moindre

trace en toi.

Ces trois crimes, il faut les fuir, car ils arrêtent

fatalement tout progrès, étant des péchés

contre l'Amour. Il faut non seulement t'abstenir

du mal, mais aussi travailler activement au

bien. Tu dois être à tel point rempli du désir

intense de servir, que tu ne manques jamais

de venir en aide à tous ceux qui t'entourent,

non seulement aux hommes, mais encore aux

animaux et aux plantes. Il faut rendre service

dans les petites circonstances, chaque jour,

pour en prendre l'habitude, afin de ne pas

laisser échapper l'occasion de rendre service

dans une grande circonstance, quand elle se

présente. Car si tu as soif d'union avec Dieu,

ce n'est point pour toi-même, mais afin de

devenir un canal par où Son amour puisse

arriver jusqu'à tes frères.

Celui qui est sur le Sentier n'existe point pour

lui-même, mais uniquement pour les autres ; il

s'est oublié afin de pouvoir les servir. Il est une

plume dans la main de Dieu, par laquelle la

Pensée divine pourra s'épancher et trouver icibas

une expression qu'elle ne saurait obtenir

sans cet intermédiaire. Cependant il est, en

même temps, aussi, une vivante gerbe de feu,

irradiant sur le monde l'Amour divin qui remplit

son coeur.

La sagesse qui rend capable d'aider, la volonté

qui dirige la sagesse, l'amour qui inspire la

volonté, voilà les qualités que tu dois acquérir.

Volonté, Sagesse et Amour sont les trois

aspects du Logos, et vous qui voulez être

enrôlés à Son service, votre devoir est de

manifester ces aspects dans le monde.

Attendant la parole du Maître,

Guettant la lumière cachée,

Ecoutant, pour saisir ses ordres

Au milieu même de la bataille.

Attentif à son moindre signe,

Au-dessus de l'immense foule,

Entendant son léger murmure,

A travers les chants bruyants de la terre.